Bannon est l’un des producteurs les plus passionnants, sculptant ses propres sons sur les détritus de la jungle, du drone et du hip-hop.
Le premier album de Lee Bannon, Alternate/Endings, est un acte séditieux d’imagination. Le jeune producteur élevé à Sacramento et résident à New-York, est le genre de personnage submergé par l’inspiration, et qui trouve cette dernière aussi bien dans la musique que dans les films ou autres enregistrements sonores bruts. Cela confère à son travail un sentiment d’excitation et d’urgence aussi palpitant que rare.
Après avoir produit le rappeur new-yorkais chaud comme la braise Joey Bada$$ (un moment qu’il décrit comme essentiel), Bannon a passé les six derniers mois à travailler sur son premier LP. L’expérience s’est avérée inédite, et ce à tous les niveaux. Habitué à faire de la musique plutôt rapidement, créer une œuvre dans un laps de temps donné demandait un effort bien plus grand. Ces mois ont rapporté gros, et Alternate/Endings tient toutes les promesses faites par ce jeune prodige. La première surprise est que Bannon s’est éloigné du hip-hop, pour se rapprocher de la drum’n’bass et de la jungle. Inspiré de sa jeunesse passée à Sacramento (où la drum’n’bass était très populaire) et avec en toile de fond la renaissance jungle de 2013, avec notamment les albums de Machinedrum et de Congo Natty, Bannon a réussi, à son tour, à revigorer le genre. Il nous offre ici de la drum’n’bass dans sa permutation la plus contemporaine ; une explosion futuriste d’atmosphères immersives, de basses profondes et de percus- sions parsemées de funk.
Bannon fait référence au travail de Paul Thomas Anderson, et notamment son film There Will Be Blood, une grande inspiration lors de la création de l’album. Et on le ressent bien : l’album baigne dans des humeurs changeantes, parfois menaçantes, mais toujours puissantes. Requiem For A Dream a été une autre source d’influence ce qui explique le sens de la mélodie à la fois magnifique et obsédant de Lee Bannon. Juan, de Mars Volta, chamane de Leftfield, a joué les parties de basse, ce qui a fini par devenir la base de chaque chanson de l’album, pendant que son ami et collaborateur Black Atlass chante sur « Phoebe Crates » et joue du piano à la Reznor sur le single « 216 ». Les éléments sonores que Bannon enregistre « sur le terrain » de manière obsessionnelle sont utilisés tout du long, ajoutant par la même occasion de la texture et de la profondeur à l’album.
Alternate/Endings est peut-être bien mal nommé. Ce n’est que le début.
Lee Bannon – « Value 10 »