Après un premier EP, « Catharsis », salué par les professionnels (Francofolies de La Rochelle, Solidays, Eurockéennes de Belfort, Transmusicales de Rennes, en passant par les Découvertes du Printemps de Bourges en 2011) et un public séduit d’emblée (tournée indépendante phénoménale partout en France), la paire formée par Stéphane Delplanque et Nicolas Lerille poursuit sa route avec « Death On Wheels », leur nouveau disque composé de six titres inédits, condensé hypnotique et férocement travaillé.
Car c’est bien là que réside la force du groupe : tantôt compositeurs, producteurs et scénaristes de l’image, le binôme multiplie les tâches sans compter les heures passées derrière les machines. Précis et volontaires, Aeon Seven et Kunst Throw (c’est leur nom de scène) parcourent tous les terrains musicaux, qu’ils soient rugueux et désertiques (« Burial », avec un clip hors norme tourné à Detroit, Michigan), mystérieux et définitivement pressants (« No Way »), urgents, flippants et absolument enivrants (« Too Much Not Enough », en collaboration avec les punks australiens de THE DEATH SET) ou éminemment énergiques, saccageurs et brutaux (« Death On Wheels »). Essentiellement bercés par le rock et le rap US, tout en restant ouvert à d’autres courants, les deux complices envisagent l’avenir sans oublier leurs racines. Musicales, surtout. On parlera de vintage assimilé ; reproduisant des sonorités foncièrement inscrites au panthéon de la musique du XXème siècle, accolé à la puissance des machines actuelles, maîtrisées avec beaucoup de classe et d’envie.
Sur scène, le format rend compte de cette maîtrise technique. A deux, ils naviguent entre quatre platines. Derrières elles, des images historiques défilent sauvagement, comme pour inscrire un peu plus leur musique dans un univers cinématographique précis. Si la référence au long-métrage de John Carpenter saute aux yeux, l’environnement filmique de CHRISTINE le dépasse, des films de George Miller à ceux de Stanley Kubrick. L’écho visuel d’une bande-son épatante, et une série de repères pour les acteurs qui gravitent autour de ces deux normands. Florent Livet, éminent ingénieur du son (de PHOENIX à HOUSSE DE RACKET, en passant par BLOC PARTY), est l’un d’eux, tout comme Pavle Kovasevic, virtuose de l’arrangement (SEBASTIEN TELLIER), qui auront ensemble finalisé l’enveloppe de « Death On Wheels ».
Amoureux du vinyle, les deux leaders de CHRISTINE laissent libre court à leur désir, surtout lorsqu’il s’agit de nouvelles découvertes, de nouveaux panoramas, de nouvelles mélodies, sur lesquelles ils s’attardent éperdument, pour offrir un résultat qui plaira autant aux férus d’électro racée qu’aux amateurs de bass incontrôlables. Un goût pour la musicalité des sons qui pousse le groupe vers d’autres atmosphères, d’autres ambiances, comme lorsque CHRISTINE remixe des titres forts (dont ceux d’Amon Tobin, d’Atari Teenage Riot ou de Boys Noize). Parmi les remixes choisis, et présent sur le nouvel EP, le titre « Dying Kings », de WE ARE MATCH, jeune groupe français indomptable, en pleine ascension, qui prend ici une dimension hors norme, hybride, qu’il faut absolument écouter.
Des rois déchus, une route, un horizon : le champ lexical du grand large, des grandes histoires, de la liberté. Des valeurs chevillées au corps d’un duo prêt à enclencher la seconde. Sans jamais s’arrêter.