Kieren Dickins, alias DELS, est un rappeur d’un genre nouveau, autrement dit, ce n’est pas juste un rappeur. Avec le même sens du détail et la même ambition que Jay-Z, DELS fait de l’art. Art populaire certes, mais art tout de même à travers cet album aux nombreux pics émotionnels, à l’innovation musicale surréaliste, aux textes brillants, le tout réuni grâce à une vraie originalité un peu naïve qui suggère que ce n’est qu’un début. Ayant déjà provoqué quelques remous avec les deux mises en bouche “Shapeshift” et “Trumpalump” (et leurs vidéos qu’il a orchestrées lui-même), tout est maintenant prêt pour compléter le tableau.
Dickins a enregistré “GOB” avec seulement trois producteurs, ceux avec qui il avait déjà collaboré un certain nombre de fois, ceux intéressés pour vraiment créer quelque chose avec lui plutôt que juste donner un beat. Micachu est sans doute plus connu pour son coté indie et son groupe The Shapes, mais son intérêt pour le grime et le hip-hop n’est plus à démontrer.
Elle et DELS ont ensemble créé les hymnes bad trips “Melting Patterns” et “Violina”, qui montrent toute la désorientation et la colère d’une rupture sentimentale. Mentor et ami de toujours, Joe Goddard de Hot Chip est présent sur “Trumpalump” et “Shapeshift”, ainsi que sur le tout nouveau “Capsize”, qui dissèque sur la situation politique actuelle en compagnie de Roots Manuva, le seul MC invité de l’album. Le gros de l’album vient de Kwes. Déjà repéré à travers ses singles sur Young Turks et ses productions pour The Invisible et The XX, Kwes est devenu le parfait compagnon de DELS. En quelques morceaux, de “Hydronenburg” au remarquable “Moonshining” ou le très ambitieux “Eating Clouds” (dont une version plus ancienne est apparue l’année dernière sur la compile des XX ans de Ninja Tune), DELS et Kwes énoncent l’étendue de leurs ambitions. Mais c’est sur les trois derniers morceaux, “DLR”, “Droogs” et “GOB” que l’album atteint son apothéose. Un titre sur une femme sans-abri, “DLR” (avec la participation d’Elan Tamara) et une histoire vraie de viol d’enfant, “Droogs”, ce pourrait bien être glauque comme fin, mais c’est sans compter la brillance avec laquelle ces sujets sont traités, à la fois musicalement et vocalement. Et que dire du dernier morceau, “GOB”, qui montre Dickins en colère, battu, mais finalement plein d’espoir, s’élevant au dessus de toute la merde du monde, déterminé à triompher, à ne succomber ni à l’absurde ambiant ni à sa propre quête de perfection, progressivement porté par un son monstrueux
de Kwes.