Kudu n’appartient à aucun mouvement musical mais a des affinités avec plusieurs des principaux courants d’aujourd’hui. Des exemples ? Le groupe est lié à Nublu, qui a vu naître les Brazilian Girls et Wax Poetic ; comme M.I.A. et Adult., ils marrient musique dance et style pop à lyrics ; ils ont pris le revival post-punk new-yorkais de LCD Soundsystem comme une grosse claque. Kudu se nourrit de Siouxsie circa 82, de la dark house Chicago 86, du deep funk des 70s, et, consciemment ou pas, de la jungle anglaise de 91. Ils sont en même temps tellement spontanés et leur musique est si primale qu’ils pourraient tout aussi bien être considérés comme des rockeurs que des jazzeux ou des teufeurs. Sur scène Kudu c’est dark, brut et désespéré ; leur potentiel pop n’est cependant jamais passé inaperçu pour ceux qui savent écouter la beauté d’une chanson et voir le charisme d’un groupe. Death of the Party, qui sort sur Nublu Records, en est la preuve. Car en plus des ingrédients susmentionnés, Kudu sur disque sait s’amuser en convoquant Deee-Lite, ESG, le gospel de Georgie rurale et les parades de la Nouvelle-Orléans. Sans aucun doute, ça va donner un des disques les plus chauds de l’année 2006.
Kudu est composé de Sylvia Gordon et Deantoni “D” Parks. Leur musique est crue, puissante, obscurément mélodique et, étrange mais vrai, tout à fait pop. C’est la musique de cette « dernière super fête avant la mort ». Chanteuse qui se prend pour une diva. Batterie maniaque. Lignes de synthé vrombissantes, gémissantes. Effets de clavier « humides ». Le lien entre Kudu et le jazz est complexe. Sylvia est une chanteuse et une bassiste jazz de premier ordre, et D un savant fou du rythme ; dans Kudu, D use de ses armes habituelles, alors que Sylvia s’affranchit quelque peu des expériences : tête d’affiche dans des clubs jazz ; participation au projet P’taah de Chris Brann ; écriture, chant et bass sur l’hymne nu jazz “Staring at the Sun” ; collaboration avec Mulgrew Miller et Lewis Nash (pour “Kaleidoscope”, extrait du dernier album de Jeremy Pelt) et avec Mike Ladd et Kamaal “Q-Tip” Fareed au sein du groupe hip-hop Rose. Sylvia ne poursuit pas vraiment dans cette veine avec Kudu, mais se transforme plutôt en raveuse goth ou post-punk girl atypique : une diva pop unique. Les paroles de Sylvia sont violemment intelligentes, félines, urgentes et fraîches, et ses thèmes récurrents le désir et la mortalité.
Grâce au funk, à la soul et à la musique d’église, D a joué pour la première fois en public à l’âge de cinq ans, gardant le rythme pour le groupe de jazz du lycée. Aujourd’hui il est considéré comme l’un des meilleurs batteurs vivants. D a travaillé avec John Cale, Lauryn Hill, Vernon Reid, N’ Dea Davenport, Amel Larrieux, DJ Logic, et beaucoup, beaucoup d’autres.
Death of the Party peut avoir une dynamique interne, certes, mais le son global de l’album n’en est pas moins uni et très singulier. Le duo a écrit, joué et produit chaque note et chaque son de l’album de lui-même. En plus de la batterie live de D, les traits marquants sont l’effet saisissant d’harmonie entre les lead et les background vocals de Sylvia, les cloches, les effets d’écho et de réverbe, les inquiétantes lignes de synthé et, comme dans “Bar Star”, “Neon Graveyard” et “Hey 50”, les très profondes fréquences basses.
En bref, Kudu est LE groupe que beaucoup attendaient. Ils marient le rythme mauvais du voodoo à l’expression lucide de la pop. Ils sont goth sans être froids ou ennuyeux. Ils sont “disco not disco” sans être des caricatures. Leur album devrait plaire aux fans d’electro, aux fans de post-punk, aux fans de jazz, aux fans de funk, aux fans de goth et aux fans de pop. A beaucoup de monde en somme.